Cette étude propose un éclairage qualitatif sur les logiques de recours aux soins des patients, à partir de 25 entretiens sociologiques réalisés entre janvier et avril 2019 sur trois territoires urbains ayant une accessibilité aux médecins généralistes légèrement inférieure à la moyenne nationale.
Elle articule une approche spatiale de leurs pratiques de soins avec d’autres dimensions entrant en jeu dans l’organisation concrète des consultations de professionnels de santé. L’objectif était de comprendre comment la variable spatiale joue concrètement dans les logiques de choix des professionnels et dans l’organisation des pratiques de soins, mais également d’identifier quels autres facteurs peuvent apparaître comme des facilitateurs ou, à l’inverse, comme des freins dans l’accès aux soins. Pour cela, l’étude se penche sur l’organisation concrète, sur le plan spatial et temporel, des pratiques de soins, en les resituant dans des emplois du temps « ordinaires » et quotidiens.
Les résultats indiquent d’abord que le ressenti de la distance doit être replacé dans l’espace vécu des individus, multidimensionnel et propre à chacun. Il est susceptible de varier selon le type de professionnel considéré (médecin généraliste, autre professionnel médical de premier recours, auxiliaires médicaux et spécialistes de second recours).
Ensuite, la distance géographique n’apparaît pas comme un obstacle « en soi », mais elle peut le devenir lorsqu’elle se combine à d’autres facteurs (capacités de mobilité, maîtrise des contraintes professionnelles, charge familiale, etc.).
Enfin, la mise en perspective des pratiques de recours aux soins avec les représentations qu’en ont les enquêtés révèle que le vécu du manque et la propension à identifier et percevoir des obstacles dans l’accès aux soins ne sont pas nécessairement corrélés avec la « réalité » des difficultés rencontrées.